MILLON présente de rares et précieuses peintures indiennes sur papier, produites entre le XVIIe et le XIXe siècle
Département Arts d'Orient et de l'Inde
VENTE ARTS D'ORIENT DE L'INDE - MANUSCRITS & OBJETS D'ART
Le 14 juin 2023 à 14h00
Salle VV - 3, rue Rossini 75009 Paris
La peinture indienne du XVIIe au XIXe siècles
La peinture a, de tout temps, servi à représenter les souverains, et par là à asseoir symboliquement leur pouvoir sur leur audience. Le 14 juin, Millon offrira de rares et précieuses peintures indiennes sur papier, produites entre le XVIIe et le XIXe siècle et qui illustrent la relation entre art et pouvoir dans le sous-continent.
La dynastie moghole, fondée par Babur en 1526 et qui régna sur une large partie de l’Inde jusqu’en 1857, est particulièrement réputée pour le raffinement de ses arts de cour, en particulier la peinture d’album qui prend une place prépondérante dans la production artistique à partir du règne de Jahangir (r. 1605-1627).
Ce dernier est représenté sur une page à deux peintures, assis sous un dais broché d’or, coiffé d’un turban à aigrette et habillé d’un fin jama blanc. Face à lui, les femmes du zenana, parées de perles et joyaux, lui présentent des mets raffinés dans de la vaisselle d'or. Reconnaissable à sa fine moustache et ses traits altaïques, l’empereur était réputé pour son attrait pour les plaisirs de la cour.
Son fils et successeur Shah Jahan (r. 1627-1658) emploie de nombreux peintres dans l’atelier royal, appelé ketabkhane, afin de mettre en place un programme iconographique complexe au centre duquel il se place en empereur tout-puissant. La peinture du Padshahnama, datée de 1630 et vendue à Millon en 2019, montrant Shah Jahan et ses fils entrant dans la ville de Burhanpur à dos d’éléphant, illustre de manière remarquable la force de cette iconographie impériale.
L’album dit Nasir al-Din Shah Qajar, du nom du shah qajar à qui il a appartenu, a été produit sous le patronage de Shah Jahan aux alentours de 1645 et est aujourd’hui dispersé entre plusieurs collections publiques et privées. Plus de 100 folios sont aujourd’hui connus, dont une page totalement inédite et présentée pour la première fois le 14 juin.
Un côté porte une peinture, probablement contemporaine de la compilation du volume, montrant une princesse rendant visite à une ascète, accompagnée de membres de sa cour. De l’autre côté, un extrait du Shahname, l’épopée persane de Firdosi, calligraphié par le grand maître Mir ‘Imad alHasani (Iran, 1554-1615). Les pages de cet album sont reconnaissables à leur décoration de fleurs polychromes et dorées, une mode ornementale développée sous Jahangir et particulièrement populaire sous Shah Jahan.
Les représentations du pouvoir impérial continuent jusqu’à la toute fin de la dynastie, le dernier empereur, Muhammad Bahadur Shah (r. 1837-1857) étant souvent représenté en trône, notamment par le peintre hongrois Agoston Schoefft (musée de Lahore). Une version de ce portrait est présentée dans la vente, dans laquelle le souverain est accompagné de deux gardes de plus petite taille.
Les cours vassales de l’empire moghol ont également développé différents modes de représentation du pouvoir, souvent très influencés par les modes mogholes. La cour de l’Awadh (Oudh) développe un brillant art de cour durant le règne du nawab Shuja ud-Daula (r. 1754-1775) et de son fil Asaf ud-Daula (r. 1775-1797), en particulier après l’exil de nombreux peintres, cherchant à s’éloigner de l’instabilité politique de la cour moghole.
Hayder Beg Khan, un des ministres de Asaf ud-Daula, se fait par exemple représenter sur une terrasse, assis sur un tapis richement brodé avec coussins assortis, entouré de vaisselle d’or et donnant audience à deux invités alors qu’un serviteur agite un élégant éventail de plumes de paon.
La peinture est particulièrement remarquable pour son arrière-plan montrant un paysage de plaine animé d’architectures éparses sous un ciel nuageux. Ce genre de scène d’audience sur une terrasse est très en vogue au XVIIIe et début du XIXe siècle, en témoigne une peinture moghole montrant un souverain non identifié mais reconnaissable par son nimbe doré, assis sur un trône élevé et donnant audience à un jeune homme, pendant que trois servantes l’entourent.
Durant le XIXe siècle, l’affaiblissement de la dynastie moghole permet aux pouvoirs locaux de prendre de l’ampleur. Au Rajasthan, les modes de représentation diffèrent très nettement de la peinture moghole, s’inspirant de traditions hindoues anciennes.
Le portrait équestre d’un souverain illustre bien ces différences, mais aussi les échanges avec l’atelier de Delhi, visible par exemple dans le nimbe du protagoniste. La richesse et brillance des couleurs, ainsi que la précision du trait et des nombreux détails confèrent à cette peinture une qualité immense.
Deux peintures montrant les souverains sikhs Raja Sohan Singh (r.1856-1885) et Maharajah Gulab Singh (r.1846-1856) à la chasse mettent en avant les qualités guerrières de cette communauté religieuse du nord de l’Inde. Raja Sohan Singh, accompagné de son porte-parasol, tient un arc, alors que Maharajah Gulab Singh, assis sur un éléphant, est armé d’un fusil, et tous deux portent un bouclier dans le dos.