Vente aux enchères de la Sucession André Dubreuil "Le poète du fer"
« Dubreuil travaille dans la tradition des grands ébénistes du XVIIIe siècle et, comme tout vrai artiste, il transforme tout cela en quelque chose de neuf. Ceci est toujours le signe d’un artiste exceptionnel. C’est un des grands artistes de notre époque. Pour moi son art et son talent transcendent les arts décoratifs. »
André Dubreuil (1951-2022) : Le poète du fer
André Dubreuil, l'artiste raconté par Gladys Mougin, Jean-Louis Gaillemin et Patrick Fourtin
André Dubreuil nait à Lyon en 1951 et rencontre d’abord les arts décoratifs au travers des revues spécialisées que feuillettent ses parents. Vient ensuite la découverte de Ruhlmann - «un de mes Dieux, la qualité, l’excellence, j’ai toujours rêvé de cette qualité» – et par lui d’une certaine tradition du mobilier français et de l’imaginaire décoratif. Plus tard, après «avoir fait treize écoles et raté son bac», le jeune homme part pour Londres en 1968 afin de suivre les enseignements de la Inchbald School of Design.
Il y étudie un an, tout en fréquentant assidûment la vie nocturne Londonienne où il rencontre artistes et créateur.ice.s et s’imprègne de la flamboyance Pop de la fin des années 60. De retour en France, il s’inscrit en 1969 à l’Académie Charpentier où il consolide ses connaissances en design et décoration d’intérieure. Comme à Londres, Dubreuil est assidu un an avant de retourner à ses pérégrinations noctambules et culturelles. Puis, tel Rimbaud : «Un beau soir, foin des bocks et de la limonade, Des cafés tapageurs aux lustres éclatants», et c’est le retour à Londres en 1972 pour débuter une carrière dans une agence de décoration.
Entouré de meubles clinquants et de qualité au mieux passable, André Dubreuil nourrit «un dégoût du contemporain» et, comme exutoire, travaille les weekends dans divers magasins d’antiquités. Il prendra même une boutique en 1974 où, toujours iconoclaste, il se plait à proposer du mobilier Louis XVI ou Empire là où le goût britannique est aux meubles néoclassiques et décapés. Dubreuil rejoint ensuite l’antiquaire et décorateur Christophe Gollut, qui lui confie rapidement des chantiers où le jeune artiste déploiera avec fougue des décors peints en trompe-l’œil inspirés par l’art Italien. Sa manière glamour séduit parmi la haute société et l’aristocratie anglaise, pour qui il décline à l’envie fausses architectures et excentricités décoratives.
« Je collectionne le travail de Dubreuil depuis la fin des années 1980 où j'ai acheté pour la première fois une paire de chaises argentées à décor de pois oxydés au chalumeau pour Barneys New York. J'apprécie son travail en passionné du métal et de l'argenterie de Tiffany, car ses combinaisons métallurgiques participent des plus innovantes et des plus hautement qualifiées de cet art. Originalité et précision définissent l'ensemble de son travail. »
Peter Marino, architecte et décorateur.
SWINGING LONDON, LES ANNÉES 80
Autour de 1981, Dubreuil commence à fréquenter Tom Dixon et les membres du mouvement «Creative Salvage» («Récupération Créatrice») où règne l’esprit DIY hérité du Punk. De ces fréquentations lui viendra notamment l’atavisme d’intégrer à ses créations des éléments de récupération.
C’est lors du chantier pour la décoration de «Rococo» - un chocolatier de Kings Road - qu’André Dubreuil créé ses premiers objets. Engagé en mai 1985 pour y peindre des arabesques aux murs, il se retrouve à aider un Tom Dixon en retard sur la soudure de ses meubles. C’est une révélation pour l’artiste qui se souvient : « J’ai soudain pris goût au fer à souder, c’est comme si, brutalement, j’étais «tombé dedans».« Dubreuil s’installe alors un atelier dans le salon de son appartement Londonien, où il accueille régulièrement Tom Dixon et Mark Brazier Jones avec qui il expose ses premiers meubles.
Viendra ensuite une exposition personnelle en 1986 sobrement intitulée «Furnitures by André Dubreuil» («Meubles par André Dubreuil») mais judicieusement sous-titrée «The necessity of ornemntation» («La nécessité de l’ornement»). Un sous-titre perspicace car, déjà, le mobilier de Dubreuil s’affranchit de la froideur angulaire de ses contemporains pétris de minimalisme. L’artiste proposent en effet – toujours dans des matériaux de récupération - des formes héritées du répertoire classique où rinceaux et volutes finissent par se confondre avec la structure même de la pièce. Les archétypes mobiliers hérités des grands styles ne sont cependant ni copiés ni rejetées par Dubreuil. Ils sont simplement là.
En filigrane comme le seraient les gammes d’un musicien. André Dubreuil connait intimement ces standards, dans leur histoire, pour les avoir étudiés, et dans leur construction pour en avoir fait commerce Mais c’est le fer à béton qu’il travaille alors, dans un corps à corps intime et bagarreur avec une matière qu’il courbe (le plus souvent à la main) avant de la souder. Il y a chez Dubreuil une forme d’insolence et de complexité résolue par une manière de créer affranchie des travaux préparatoires : «je me méfie du dessin, sur le papier tout fonctionne toujours, la réalisation, c’est autre chose ...». L’iconique «Spine Chair» qu’il créé cette même années 1986 est l’incarnation de cette première manière : une pièce en acier plié dont les courbes organiques et dramatiques s’opposent radicalement au minimalisme de ses contemporains.
« André, rencontré au début des années 70, notre amitié s'est développée au fil du temps. Tu as fait tes premiers pas dans la création en Angleterre, la distance ne nous a pas séparé, nous parlions le même langage « Amitié, Humour, Art ». Tu es devenu un artiste reconnu et malgré ta notoriété tu es resté simple. Merci à toi pour toutes ces années de complicité. »
PARIS BAROQUE
Par suite, la notoriété de Dubreuil devient internationale et il expose au Japon et à New York en 1986 avant de participer en 1987 à l’exposition collective parisienne «English Eccentrics» (aux côtés de Tom Dixon, Jasper Morisson, JohnWebb et Sue Golden).
Suite au succès critique de l’évènement, André Dubreuil fait la rencontre de Gladys Mougin, qui deviendra sa galeriste exclusive et organise sa première exposition personnelle à Paris, en mai 1988. Toujours composée de matériaux de récupération, les œuvres de l’artiste s’y révèlent plus baroques avec notamment l’apparition d’un nouveau médium décliné comme élément décoratif : les plaques d’acier et de cuivre patinées. C’est à cette occasion que Dubreuil créé ses modèles «Paris» en tôle d’acier pliée, soudée et finalement oxydée au chalumeau d’un décor couvrant de points colorés. Séduit par un art «entre le baroque et la Science-Fiction à la Conan», le couturier Karl Lagerfeld achète plusieurs pièces pour son usage personnel.
Désormais reconnu et soutenu tant par sa galeriste que par les commandes de ses afficionados, André Dubreuil peut laisser libre court à une manière de créer singulière, où réitération et poncifs n’auront jamais leur place. La répétition a en effet tendance à lasser l’artiste : «c’est tellement ennuyeux de faire des choses simples (...) alors que ces meubles compliqués me provoquent, me forcent à trouver des solutions, ils ont un côté bâtard qui m’attendrit.»
C’est en ce sens que Dubreuil refusera une production autre qu’en petites séries, préférant les pièces uniques et refusant toujours les rééditions. En ce sens également qu’il n’aura de cesse de rechercher le nouveau matériau à travailler, les nouveaux effets de matière à inventer. Ainsi - par exemple - du fer forgé dont il adopte la noire matité pour l’habiller de métaux patinés, émaillés et gravés, comme autant de peaux tatouées de motifs géométriques ou évoquant algues et branchages.
Les enthousiasmes et les lassitudes façonnent ainsi, d’années en années, une œuvre unique. Profondément opposé au fonctionnalisme qu’il moque avec esprit («si on était fonctionnalistes, on serait toujours assis sur des rochers»), Dubreuil n’aime guère le qualificatif de designer et se considère plutôt comme un artisan. Pour lui en effet il n’y a que par l’imperfection du travail manuel qu’on peut espérer «laisser un peu de son âme dans les pièces créées.» Et c’est pourquoi chacune des créations de Dubreuil porte en elle un peu de la poétique d’un artisan passionné par les milles secrets du métal et des formes à découvrir.
« J’ai d’abord admiré André Dubreuil pour son art unique, poétique et inspiré. J’ai ensuite rencontré et aimé l’homme qu’il était à l’occasion de notre exposition à Hong-Kong en 1996, dans le cadre du consulat de France. Depuis lors, André est resté pour moi un ami fidèle, dont je chéris le souvenir. A travers cette vente j’espère réussir à montrer un peu de sa vision. »
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