"Le Fer ne demande pas à être un accessoire, c'est un ornement"[1]
Gilbert Poillerat naît en 1902 dans le Loir-et-Cher, avant de monter à Paris pour intégrer les Beaux-Arts puis l’école Boulle où il étudie la ciselure et la forge, tout en s’aménageant le temps de peindre. Il rentre ensuite dans les ateliers de ferronnerie décorative d’Edgar Brandt comme ciseleur et peintre en 1921 (il a alors 19 ans) et développe auprès du maître la passion de ce medium. A l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de 1925, Gilbert Poillerat figure anonymement parmi les dessinateurs des pièces de Brandt intégrées au Pavillon du Collectionneur de Ruhlmann (et Pierre Patou).
Peu de temps après, en 1927, Poillerat quitte Brandt pour l’entreprise de constructions Baudet, Donon et Roussel qui vient d’ouvrir un département dédié aux éléments décoratifs en ferronnerie. Dès 1928, l’artiste présente au Salon d’Automne ses premières créations, d’un style néoclassique déjà affirmé et qui interpellent la critique[2] : "Ce bizarre mélange d'art, contemporain du jazz et du cocktail, répond bien aux aspirations nouvelles et complexes de notre temps. N’est-il pas remarquable d'en trouver l'expression jusque dans la ferronnerie ? ".
Ce style éminemment personnel, Gilbert Poillerat le poursuivra jusqu’à la fin des Années 50, le simplifiant vers moins d’affectation tandis qu’il déclare[3] aimer "le XVIIe siècle, car c'est l'époque qui animait les plus beaux ouvrages de ferronnerie : un simple balcon, une rampe d'escalier portaient la marque de l'élégance et de l'esprit français". Pénétré de cet esprit, l’artiste conçoit des œuvres où les arabesques sont comme autant d’écritures enluminées de motifs gracieux et robustes, qui rythment l’ensemble avec un à propos rare. Pour ce faire, Poillerat prépare chacune de ses réalisations avec méthode et rigueur, dessinant et pensant chaque pièce dans son rapport à l’espace au gré de plans quottés côté au millimètre. Ajoutant à son œil de décorateur une rare maîtrise des techniques de la forge, Poillerat pense en forme autant qu’en volume, indiquant dans ses dessins et à destination des ouvriers ferronniers chargés de les réaliser des indications précises quant à l’épaisseur des éléments à réaliser ou la perspective à considérer dans leur assemblage.
Cette manière unique lui vaut de collaborer avec des ensembliers comme André Arbus, Jacques Adnet, ou Jean Pascaud, tout en exposant au Salon des Artistes Décorateurs ainsi qu’à de nombreuses manifestations nationales ou internationales comme l’Exposition Coloniale de 1931 ou celle des Arts et Techniques de 1937. A côté des meubles et luminaires d’une élégance classique qu’il créé pour de riches particuliers, Poillerat s’interroge[4] : "trouvera-t-on jamais un style neuf et durable qui réponde vraiment au goût français ?".
Afin d’y répondre, l’artiste se concentre sur des réalisations d’œuvres monumentales qui marqueront leur siècle comme les portes du Palais de Chaillot ou les grilles et luminaires du restaurant de la Tour Eiffel. Une orientation que sa nomination comme professeur à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs en 1946 n’interrompt pas, Poillerat réalisant en parallèle d’importantes commandes officielles pour l’Elysée, l’Hôtel Matignon ou la nouvelle synagogue de Strasbourg.
Dans les Années 1960 son travail évolue vers encore plus d’épure et évolue vers une utilisation croissante du bronze, afin de rencontrer au mieux les attentes de l’époque. Gilbert Poillerat s’éteint en 1988, non sans laisser derrière lui une œuvre créative et personnelle, toute en équilibre et poésie que servent une rare perfection technique qui "ramasse toute la puissance possible, et sans lourdeur, dans les espaces les plus retreints."[5]