"Fai que posque quera al branco dis aücèa !"[1]
Marie-Thérèse Espelt, dite Mithé Espelt, naît à Lunel (en Camargue) en 1923 et grandit dans un environnement artistique et intellectuel. Son grand-père, Edmond Baissat, est sculpteur et l’éduque aux traditions et savoirs ancestraux de la Provence, tout en lui prodiguant ses premiers cours de dessin. A travers lui, Mithé Espelt découvrira également l’écrivain Frédéric Mistral, chantre de la culture provençale[2] dont la vision poétique et l’amour de la nature influenceront son œuvre future.
A l’âge de 16 ans, elle entre aux Beaux-Arts de Montpellier pour y étudier la sculpture et le dessin. Les capacités qu’elle y démontre lui valent d’être sélectionnée en 1942 par la céramiste Emilie Decanis pour rejoindre la première promotion de son Ecole de Formation Artistique de Fontcarrade. Réhabilitant l’ancienne Manufacture Royale de faïence de Montpellier, ce projet novateur en fait un centre d’enseignement et d'apprentissage de l'art de la céramique avec une volonté d'excellence porté par l’amour du métier, du rôle de l'artisan et de renouveau de la poterie utilitaire. A l’issu de sa formation, Mithé Espelt débute sa carrière à Paris auprès de Nathalie Pol, céramiste-boutonnière renommée de l’Atelier Lydia Chartier. Mithé Espelt y travaillera deux années durant lesquelles elle sera notamment chargée de réaliser les créations de Line Vautrin. La jeune céramiste en retirera une douce fantaisie et une grande maîtrise des subtilités du travail de l’or qui l’accompagneront tout au long de sa carrière.
En 1946, Mithé Espelt retourne à Lunel pour s’occuper de sa jeune sœur suite au décès de son père. Elle a alors 23 ans et installe son atelier de céramique dans une dépendance de l'Hôtel de Bernis hérité de son grand-père. Là, elle imagine des poteries à la fois dans l’air du temps et éminemment personnel, élaborant notamment ses premières collections de bijoux et ses premiers miroirs. Emilie Decanis, son ancienne directrice de formation qui avait déjà repéré son talent à Fontcarrade, voit en elle un espoir de la céramique moderne et l’intègre à de nombreuses expositions, en France et à l’étranger. Le succès est au rendez-vous et Mithé Espelt se voit rapidement confier la création de bijoux et d’accessoires pour la Maison Souleiado ainsi que des commandes particulières pour des clientes comme Poupette Vachon (la styliste de Brigitte Bardot à Saint-Tropez).
En 1951, Mithé Espelt épouse Maurice Figère, avocat de profession qui décide d’abandonner son métier pour la seconder dans son travail. Après la naissance de leurs enfants (Marion et Martin, respectivement en 1954 et 1955), Mithé initie un projet artistique original, abandonnant la poterie traditionnelle pour réaliser, sans plus jamais les signer, des petits objets du quotidien féminin : bijoux, boites à bijoux, miroirs (…) La céramiste désormais anonyme développe alors un univers poétique, joyeux et coloré où se déclinent en d’infinies variation des motifs décoratifs à l’évocation des oiseaux et des fleurs. Sous une apparence naïve, les céramiques de Mithé Espelt sont cependant une grande maitrise technique qui joue des craquelé, des couleurs et de l’or pour obtenir des effets nécessitant parfois jusqu’à quatre cuissons successives.
Ce style inimitable, la céramiste le poursuit jusqu’en 2000, donnant naissance à des centaines de modèles pétillants de joie et de poésie colorée. Elle s’éteint en 2020 à l’âge de 97 ans au terme d’une vie dédiée à "cette glèbe qui colle à nos pieds, cette terre qui nous donne la seule joie qu'aucune douleur ne peut ternir : l'éternel renouveau de la nature : les herbes et les fleurs des prairies, les épis des champs mouvants comme la mer, les arbres des forêts"[3].
Sa fille Marion de Crécy a repris son atelier où elle continue la céramique artistique.
[1] "Fais que je puisse atteindre la branche des oiseaux !", Frédéric Mistral, Mireille, Chant 1, 1859.
[2] il est 1904 le premier écrivain à recevoir le prix Nobel de littérature pour une œuvre en langue régionale.
[3] Renée Moutard-Uldry dans son article "Retour à la Terre" in L’Amour de l’Art, janvier 1946, page 66.