"La sculpture est devenu une occupation de l’espace véhiculant une émotion humaine."[1]
Antoniucci Voltigero nait en Italie en 1915 et y passe ses quatre premières années avant que sa famille ne s’installe en France en 1919, à Villefranche-sur-Mer. Le jeune garçon est admis en 1928 à l’École des Arts Décoratifs de Nice et reçoit à 16 ans une médaille d'or à la Foire de Marseille avec deux bas-reliefs en plâtre patiné. Voltigiero s'inscrit ensuite à l’École nationale des Beaux-Arts de Paris, dans l'Atelier du sculpteur Jean Boucher, maitre qui lui inspire ses premières réalisations, dont l’une lui vaut le premier Second Grand Prix de Rome en 1936.
Mobilisé en mars 1939, le jeune homme n’a que 25 ans quand il est fait prisonnier de guerre et envoyé dans le Stalag VII, à Moos, où il restera emprisonné plus de deux ans. Antoniucci Voltigero dessine alors son quotidien de prisonnier, sans relâche, tout en repensant profondément son rapport à l’art. Tombé malade, il est rapatrié en France en mars 1943 …. pour un répit de courte durée car son atelier parisien de la rue Jean-Ferrandi est détruit lors d’un bombardement.
Contraint de repartir de zéro après ce drame, l’artiste en fait une renaissance, détruisant ce qui reste de son œuvre passée ainsi que ses archives. C’est alors qu’il prend le pseudonyme VOLTI, une abréviation de son patronyme qui en italien signifie – fort à propos – "visages". Et ces visages nouveaux seront plus personnels, éloignés du clarissime de sa formation qu’il a formellement remis en question durant son emprisonnement. Sa sculpture célèbre alors essentiellement les femmes, chez qui il fait cohabiter séduction et maternité dans la volupté des formes et la douceur des modelés.
Pour ce faire, Volti dessine chaque jour d’après des modèles vivants pour nourrir sa sculpture.
"Je ne saurais pas dessiner hors de la présence du modèle, mais je sculpte d’après mes dessins. C’est ce qui me permet de fixer mes nus féminins en des poses qui, dans la réalité, seraient difficiles à tenir très longtemps."[2]
Cette approche lui permet d’analyser les volumes et de les interpréter dans un style très personnel et synthétique, aux formes lisses et rondes qui renvoie "la sensation d’unité, de plénitude calme."[3]
Réclamé pour de de nombreuses commandes publiques, Volti réalisera plusieurs sculptures monumentales suivant sa vocation à "meubler l’espace". Il fait aussi l’objet de son vivant de plusieurs rétrospectives (comme au Palais des Congrès d’Angers en 1983) et expositions internationales (par exemple au Brésil, à Sao Polo, en 1957).
Décédé en 1989, l’artiste reste un jalon dans l’histoire de la sculpture Française au sein de laquelle il réussit la synthèse entre la figuration classique, la statuaire méditerranéenne et l’expression abstraite contemporaine.
[1] aphorisme de l’artiste tel que cité in Jacques Ratier, Volti et Geneviève Testanière : VOLTI, éditions SMI, Paris, 1979, page 10.
[2] Volti dans un entretien avec Maximilien Gauthier pour Les Nouvelles littéraires du 20 mars 1958.
[3] ibid
Oeuvres de VOLTI
La maison de ventes aux enchères MILLON vend régulièrement des œuvres de VOLTI. Florian Douceron, clerc spécialiste du département département Arts Décoratifs du XXe siècle, vous décrypte une œuvre de l'artiste :
"La sculpture est un témoignage. Il s’agit de prendre une matière et de lui faire exprimer quelque chose d’émouvant pour le cœur, la chair et l’esprit."[1]
Volti est avant tout connu pour ses sculptures de femmes à la sensualité charnelle, où la rondeur émeut comme dans un Renoir de garrigue. La féminité qu’il met en scène est à la fois pudique et triomphante, toute entière contenue dans des corps puissants au modelé rond, sans détail intérieur.
C’est le cas ici avec un sujet qui pourrait tenir tout entier dans une figure sphérique ou ovoïde. Cette manière d’occuper l’espace – centrale dans le rapport de Volti à la sculpture – confère à l’ensemble un aspect quasi matriciel.
Pourtant, et par-delà cette évocation en filigrane de la maternité, le titre "Nocturne" invite à y voir l’instant d’une rêverie figé dans un souvenir érotisé. Alors, de la main à l’œil, la caresse ne cesse pas sur cette sculpture dont les courbes sont ininterrompues de la tête à l’épaule, aux hanches, aux fesses. Archétypale, la posture du sujet permet à chacun.e d’invoquer un souvenir qui lui serait propre, avec la trouble impudeur d'un Paul Éluard murmurant[2] :
"Parfois je revêts ta robe,
Et j'ai tes seins et j'ai ton ventre.
Alors je me vois sous ton masque
Et je me reconnais."