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Jean Élisée PUIFORCAT- 1897-1945

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"C'est un cruel et inquiétant destin que celui de l'orfèvrerie contemporaine. Cet art qui, par sa nature même, se trouvait frappé d'une sorte de stérilité, de conformisme, conséquence d'une trop éblouissante tradition sur laquelle il vivait, a connu depuis 1925 un épanouissement fulgurant, grâce à Puiforcat, incontestable créateur de l'orfèvrerie moderne, maître d'une merveilleuse technique artisanal, qui a su se plier aux canons de l'art présent, la dépouiller de toute ornementation en flagrant désaccord avec les conceptions plastiques de notre temps."[1]   

 

Les Puiforcat sont une grande famille d’orfèvres dont l’activité remonte à 1820. A la fin du XIXe siècle, Louis Victor Puiforcat l’oriente vers la haute orfèvrerie en rééditant des chefs-d’œuvre du XVIIIe siècle qu’il collectionnait. Né en 1897, son fils Jean Élisée Puiforcat poursuivra l’héritage familial en l’inscrivant dans la modernité des Années Folles. C’est en 1918, une fois rentré de la guerre dans laquelle il s’était porté engagé volontaire, qu’il rejoint l’entreprise familiale. Chose rare, Jean Puiforcat y débute comme simple ouvrier, apprenant les techniques de l’orfèvrerie suivant la tradition des anciens métiers. Pour se perfectionner dans son art, il écume ensuite les musées avant d’étudier la sculpture au sein de l’atelier de Louis-Aimé Lejeune. 

Fait maître orfèvre en 1920, Puiforcat développera rapidement une esthétique de l’adéquation entre la forme et la fonction, s’attachant toujours à maîtriser les volumes de ses pièces dont il élimine tout superflu.  Un critique[2] résumera ainsi cette manière unique : 

"Nos anciens orfèvres recouraient à la sculpture et à la ciselure pour renforcer l'attrait de leurs pièces. M. Puiforcat abandonne l'ornement pour demander à la lumière de collaborer avec lui et de constituer au profit de ses pièces un mouvant décor. Par l'agencement des plans, par la façon différente dont la matière est traitée, il fait jouer différemment les rayons sur les surfaces. Il emprunte sans cesse à l'ambiance une magie toujours renouvelée."

 

Justes et équilibrées, les formes de Puiforcat séduisent public et critique dès le Salon des Artistes Décorateurs de 1921 où l’orfèvre expose deux services à thé. Puis, lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925, Jean Puiforcat s’impose définitivement comme le rénovateur de l'orfèvrerie française avec ses lignes épurées et architecturées, où l’argent massif est marié à d’autres matériaux précieux comme des pierres dures, du galuchat ou des bois exotiques. Celui qui est alors directeur technique, artistique et parfois commerciale de la maison Puiforcat participera par la suite à toutes les grandes expositions où sont présentés orfèvrerie et arts de la table. L’orfèvre tissera au grès de ces expositions des amitiés sincères avec d’autres artistes, et notamment Dominique, Pierre Legrain, Pierre Chareau et Raymond Templier, les six hommes exposant ensemble en 1926 et 1927 à la Galerie Barbazanges, en marge du Salon des Artistes Décorateurs.

Après avoir démissionné de la Société des Artistes Décorateurs qui leur refusait d’exposer, Puiforcat participe en 1929 à la fondation de l’Union des Artistes Modernes (UAM) avec ses amis Le Corbusier, René Herbst, Charlotte Perriand et Pierre Chareau. Au sein de l’association, Puiforcat poursuit ses recherches de la forme essentialisée et de l’esthétique moderne. Ses formes intègrent alors progressivement des lignes et figures courbe tandis qu’il redécouvre les médiétés antiques autour de l’harmonie des proportions et du "nombre d'or". Cette évolution traduit dans le domaine des formes les méditations sur le sacré et le divin que l’artiste porte en lui et qu’il transcende dans son orfèvrerie religieuse. Présentées en 1937 à l’Exposition Internationale des Arts et Techniques, ses dernières pièces sont d’un aboutissement bouleversant qui conjugue simplification des formes, jeux de matière et rapport sensuel à la lumière.

Puiforcat meurt brutalement en 1945, à l’âge de 48 ans. Son œuvre éblouit encore aujourd’hui par une puissance constructive et une logique intellectuelle qui inscrivent l’artiste à l’avant-garde de l’orfèvrerie moderne. 
 


[1] Renée Moutard-Uldry dans son article dédié à l’orfèvre in L’Amour de l’Art, janvier 1946, page 202.

[2] Yvanhoé Rambosson in Le Bulletin de l'art ancien et moderne, mai 1929, page 196.

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